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« Deux frères pour une seule Eglise:  Pierre en est le fondement et Paul  l’architecte.”

« Deux frères pour une seule Eglise: Pierre en est le fondement et Paul l’architecte.”

« Regarder les apôtres Pierre et Paul pour apprendre à être frères »

Mgr Francesco Follo invite à « regarder les apôtres Pierre et Paul pour apprendre à être frères en suivant le Christ et en témoignant de Lui », dans son commentaire pour les lectures de la messe de la fête de saints apôtres Pierre et Paul, lundi prochain, 29 juin 2020.

« Deux frères pour une seule Eglise, dont Pierre est le fondement et Paul en est l’architecte, le constructeur (S. Ambroise, De Spiritu Sancto, II, 3, 158 ; P.L. 16, 808) ».

Comme lecture patristique, Mgr Follo propose une homélie de S. Augustin pour cette solennité des saints apôtres.

Mgr Francesco Follo

« Deux frères pour une seule Eglise »

1) Deux Frères, deux colonnes pour une seule Eglise.

Depuis les premiers siècles chrétiens, la tradition enseigne que saint Pierre et saint Paul sont inséparables : en effet, ensemble, ces deux apôtres représentent tout l’Évangile du Christ. À Rome, en outre, leur lien de frères dans la foi a acquis une signification particulière. En effet, la communauté chrétienne de Rome les considérait comme une sorte de contrepoint des légendaires Romulus et Remus, le couple de frères à qui on attribue la fondation de Rome au cours de laquelle Romulus a tué son frère Remus. Nous pourrions aussi penser à un autre parallélisme oppositionnel, toujours sur le thème de la fraternité : alors que le premier couple biblique de frères nous montre l’effet du péché, par lequel Caïn tue Abel. Pierre et Paul, bien qu’humainement très différents l’un de l’autre et bien que leurs relations ne manquent pas de contraste, créent une nouvelle façon d’être frères, vécue selon l’Évangile, une manière authentique rendue possible précisément par la grâce de l’Évangile du Christ opérant en eux. Seule, la suite de Jésus conduit à une nouvelle fraternité.

Puisque le premier message fondamental que la fête d’aujourd’hui nous donne est celui de la fraternité apostolique, pour célébrer la fête des Saints Pierre et Paul, la Liturgie de la Messe d’aujourd’hui propose deux textes qui font référence un à Pierre et l’autre qui parle de Saint Paul.

Dans la 1ère lecture prise des Actes des Apôtres et dans l’Evangile, qui présente un passage pris de saint Mathieu, on raconte tous les égards qu’avait le Seigneur pour Pierre dans la souffrance et dans l’épreuve, la profession de foi de Pierre (« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant »), sa joie de croyant, la mission qui lui est confiée : être un roc.

Dans la 2ème lettre à Timothée, proposée comme 2ème lecture, la physionomie et la stature spirituelle et morale de Pierre sont très bien illustrées.

Ces lectures nous présentent deux colonnes de l’Eglise naissante en général, et de l’Eglise de Rome, en particulier. Pierre est la première colonne, le roc placé par le Christ pour fonder son Eglise, Paul est la seconde, l’apôtre choisi pour porter le message évangélique aux païens. Deux personnes profondément différentes de par leur tempérament et leur culture, mais unis par une même extraordinaire passion pour le Christ. Ils accomplissent une unique mission en parcourant des routes différentes, mais validée par le même sceau du témoignage poussé jusqu’à verser leur sang pour Lui.

Ces deux apôtres nous renvoient l’image de ce que chaque chrétien est appelé à être : une personne saisie par le Christ, avec la mission de Le faire connaître par le témoignage de sa propre vie, donnée à Dieu avec joie et simplicité à chaque instant.

            2) Les caractéristiques de Saint Pierre.

La manière d’être « Apôtre » de Pierre peut être comprise et imitée, si nous comprenons son charisme spécifique qui était un charisme fait de fermeté, solidité, persévérance, d’être dans la diversité des situations toujours substantiellement égal à lui-même, de vivre et survivre, sûrs d’un Evangile initial, d’une cohérence actuelle, d’une destination finale.  Dit plus brièvement : la foi.

Pour avoir la foi et vivre de la foi, pas besoin d’avoir des dons spéciaux. Regardons Pierre : sa grande foi se greffa su une humanité forte, mais simple. C’était un pécheur de Galilée, un disciple de Jean le Précurseur. Puis il fut appelé par Jésus qui le surnomma Képhas, qui veut dire Pierre[1]. Le Christ l’appela à être un pêcheur d’hommes[2]  et pasteur[3]. Il lui confia l’Eglise, ainsi qu’aux onze autres disciples mais devant eux. Le Rédempteur fit Apôtre[4] ce disciple, qui était un homme humble[5], docile et modeste[6], faible aussi[7], et inconstant voire peureux[8], mais plein d’enthousiasme et de ferveur[9], de foi[10], et d’amour[11]. Pierre, dès le début, constitua le cœur de la jeune communauté chrétienne[12], régnait en maître, en chef. Un primat d’amour et de vérité, de foi, de fidélité,

C’est cette foi que nous devons demander à Pierre, celle qui nous vient de lui et des Apôtres.

Que serions-nous sans la foi, la vraie foi ? Poussière d’histoire, grains de sables battus par le vent. Mais il nous est demandé quelque chose de plus, si nous voulons être des dévots de Saint Pierre. Il nous est demandé d’être fidèles. La foi appartient à tout le Peuple de Dieu ; mais la fidélité aussi ; et c’est à nous de donner la preuve de notre fidélité. « Ayez la force de la foi » (1 Pt 5,9). Autrement dit, nous ne saurions nous dire des disciples à la suite de saint Pierre, si notre adhésion au message salvateur de Jésus-Christ n’avait pas cette fermeté intérieure, cette cohérence extérieure, qui en fait un vrai et concret principe de vie.

            3) Les caractéristiques de Saint Paul.

Pour décrire le charisme, le don spirituel spécifique que Saint Paul a reçu, je me servirai de ce que Saint Thomas d’Aquin écrit dans son commentaire aux lettres de cet Apôtre des Gentils et d’une comparaison faites par Saint Jean Chrysostome.

Le grand théologien dominicain, pour cerner saint Paul et son œuvre, s’appuie sur une expression des Actes des Apôtres (9,15), que le Seigneur utilise en parlant de Paul à Ananie dans une vision : « cet homme est le vase que j’ai choisi pour faire parvenir mon nom auprès des nations ». Cette image est souvent utilisée dans les Ecritures pour indiquer les hommes et Saint Thomas se sert de cette image pour décrire saint Paul.

Un vase a quatre caractéristiques :

1) c’est un produit de la libre volonté d’un artisan,

2) c’est un grand récipient,

3) il est fait pour être utilisé, donc

4) il est utile.

En effet,

1) comme un vase, il est façonné par l’artisan, ainsi Paul est un homme façonné par Dieu. C’est de l’argile docile dans les « mains » créatrices de Dieu, qui est fait avec de la matière précieuse comme l’or, qui indique la richesse de la sagesse, de la charité et de toutes les vertus reçues de cet Apôtre. En effet Saint Paul enseigna les mystères de la Sagesse divine, fit l’éloge de la charité et recommanda aux hommes les vertus à cultiver.

2) Comme un récipient, Paul fut plein du nom de Jésus, à prêcher et à aimer.

3) Il fut utilisé pour le plus noble des usages : pour porter le nom de Jésus dans le corps, en recevant les stigmates du Christ, et dans la bouche, comme la colombe du déluge porta dans son bec le rameau d’olivier, symbole de la miséricorde de Dieu. En effet, Jésus est cette miséricorde : son nom veut dire Sauveur. Paul fut le destinataire de cette miséricorde, un converti, mais l’apporta aussi par la prédication aux païens élus.

4) Quant à l’utilité, Paul devint en effet le maître des nations. Et le fruit de son enseignement est dans ses lettres, où il expose la doctrine de la grâce du Christ.

Pour comprendre ce quatrième point, la comparaison que saint Jean Chrysostome fit entre Paul et Noé est importante : « Paul n’assembla pas des planches pour fabriquer une arche ; au contraire, au lieu d’unir des planches de bois, il composa des lettres et ainsi arracha aux flots non pas deux, trois ou cinq membres de sa famille, mais tout l’œkoumène qui était sur le point de périr » (Paneg. 1, 5). C’est précisément cela que l’apôtre Paul peut – encore et toujours – faire. Prendre de lui, autant de son exemple apostolique que de sa doctrine, sera donc un stimulant pour consolider l’identité chrétienne de chacun de nous et pour le renouvellement constant de l’Eglise.

Enfin, je voudrais mettre l’accent sur la phrase de saint Paul qui – selon moi – est la plus représentative de ce qu’il est : « pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage » (Phil. 1,21). Nous avons là un nouveau sens de la vie, de l’existence humaine, qui repose sur la communion avec Jésus Christ vivant ; pas seulement avec un personnage historique, un maître de sagesse, un leader religieux, mais avec un homme habité par Dieu.

Selon le langage contemporain, nous pourrions dire que Saint Paul était un homme interculturel. Il résumait en effet en lui trois mondes : le monde juif, le monde grec et le monde romain. Ce n’est pas un hasard si c’est à lui que Dieu confia la mission de porter l’Evangile de l’Asie mineure à la Grèce et puis à Rome, en jetant un pont qui aurait projeté le christianisme jusqu’aux extrémités de la terre.

Nous tous chrétiens, sommes acteurs dans cette mission. Nous sommes tous des hommes et des femmes qui, comme saint Paul, peuvent dire : « Pour moi vivre c’est le Christ ». Des personnes, des familles, des communautés qui acceptent de travailler dans la vigne du Seigneur (cf. Mt 20,1-16). Des ouvriers humbles et généreux, qui ne demandent en guise de récompense que celle de participer à la mission de Jésus et de son Eglise.

Dans cette mission les Vierges consacrées dans le monde ont un devoir particulier, celui de témoigner dans leur travail quotidien que l’on peut vivre en Jésus Christ, avec le Christ et pour le Christ, autrement dit « de Sa Parole, de Son Corps, de Son Esprit », comme écrit saint Augustin qui ajoutait que « la joie des vierges consacrées vient du Christ, est en Christ, avec le Christ, dans les pas du Christ, par le biais du Christ et en vue du Christ » :

Nous sommes tous appelés à suivre le Christ en reposant sur Lui le sens ultime de notre propre vie, jusqu’à pouvoir dire avec l’Apôtre : « pour moi vivre c’est le Christ ». « Mais les personnes appelées à la vie consacrée font certainement une expérience unique de la lumière qui émane du Verbe incarné. En effet, la profession des conseils évangéliques fait d’eux des signes prophétiques pour la communauté de leurs frères et pour le monde ; dès lors, ils doivent nécessairement vibrer de manière particulière aux paroles enthousiastes de Pierre : « Il est heureux que nous soyons ici ! » (Mt 17, 4). Ces paroles disent l’orientation christologique de toute la vie chrétienne. Toutefois, elles expriment avec vigueur le caractère radical qui donne son dynamisme profond à la vocation à la vie consacrée » (Jean Paul II, Exhort. Ap. Post synodale Vie Consacrée, n. 15).

Lecture Patristique

AUGUSTIN, Évêque

De l’homélie

Pour la fête des Apôtres Pierre et Paul

(Disc. 295, 1-2. 4. 7-8 ; PL 38, 1348-1352)

Ils ont vu ce qu’ils ont prêché. Le martyre des saints Apôtres Pierre et Paul a fait pour nous de ce jour un jour sacré. Nous ne parlons pas de quelques martyrs obscurs : Ce qu’ils proclament a retenti par toute la terre, et leur parole, jusqu’au bout du monde. Ces martyrs ont vu ce qu’ils ont prêché, après avoir vécu selon la justice, en proclamant la vérité, en mourant pour la vérité. C’est le bienheureux Pierre, le premier des Apôtres, celui qui aimait fougueusement le Christ, qui a eu le bonheur de s’entendre dire : Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre. Car lui-même venait de dire : Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. Et le Christ lui dit alors : Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. Sur cette pierre je bâtirai la foi que tu viens de confesser. Sur cette parole que tu viens de dire : Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant, je bâtirai mon Église. Car tu es Pierre. Le nom de Pierre vient de la pierre, et non l’inverse. Le nom de Pierre vient de la pierre, comme « chrétien » vient de Christ. ~Ainsi que vous le savez, le Seigneur Jésus, avant sa passion, choisit ses disciples, et leur donna le nom d’Apôtres. Parmi eux, c’est Pierre qui, presque en toute circonstance, mérita de personnifier toute l’Église à lui seul. C’est parce qu’il personnifiait l’Église à lui seul qu’il a eu le bonheur de s’entendre dire : Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux. En effet, ce n’est pas un homme seul, mais l’Église dans son unité, qui a reçu ces clefs. Ceci met en relief la prééminence de Pierre, car il a représenté l’universalité et l’unité de l’Église lorsqu’il lui fut dit : Je te confie, alors que c’était confié à tous. En effet, pour que vous sachiez que c’est l’Église qui a reçu les clefs du Royaume des cieux, écoutez ce que le Seigneur dit à tous ses Apôtres dans un autre endroit : Recevez l’Esprit Saint. Et aussitôt : Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. ~Et c’est encore à juste titre que le Seigneur, après sa résurrection, confia à Pierre en personne la charge de faire paître ses brebis. Car il n’est pas le seul parmi les disciples qui méritait de faire paître les brebis du Seigneur ; mais si le Christ parle à un seul, c’est pour mettre en valeur l’unité. Et il s’adresse en premier à Pierre parce que Pierre est le premier parmi les Apôtres. ~ Ne sois pas triste, Apôtre, d’être interrogé trois fois : réponds une fois, réponds deux fois, réponds trois fois. Que ta confession soit victorieuse trois fois par l’amour, parce que ta présomption a été trois fois vaincue par la crainte. Il faut délier trois fois ce que tu avais lié trois fois. Délie par l’amour ce que tu avais lié par la crainte. Et cependant le Seigneur, une fois, deux fois, et trois fois, a confié ses brebis à Pierre. ~En un même jour, on célèbre la passion de deux Apôtres ! Mais ces deux ne faisaient qu’un : bien qu’ils aient souffert à des jours différents, ils ne faisaient qu’un. Pierre a précédé, Paul a suivi. ~ Nous célébrons le jour de fête de ces Apôtres, consacré pour nous par leur sang. Aimons leur foi, leur vie, leurs labeurs, leurs souffrances, ce qu’ils confessaient, ce qu’ils prêchaient.