https://www.archives-lasalliennes.org/docsm/2019/1904_mort-jbs.php
Grâce aux textes de ses premiers biographes, Blain et Maillefer, nous pouvons connaître le déroulement précis des derniers jours de Jean-Baptiste de La Salle, à Saint-Yon (près de Rouen).
Il est décédé, entouré par ses Frères, le vendredi saint 7 avril 1719, vers 4 h du matin.
M. de La Salle est revenu à Saint-Yon le mardi 7 mars 1718, et son rhumatisme l’empêche de se lever et de célébrer la messe. Il recourt alors au traitement qui l’a fait être comparé à saint Laurent sur son gril : couvert de deux matelas, couché sur deux chaises au-dessus de braises et de plantes odoriférantes. La chaleur est telle que le Frère qui le soigne est obligé de sortir. Mais le remède n’a plus d’effet durable, et il doit bientôt garder le lit.
(Cette chapelle a été construite à partir de 1728, à Saint-Yon, Rouen.
Les restes de J-B de La Salle y ont été transférés en 1734.)
Une maîtrise étonnante de sa souffrance
Il souffre aussi d’un violent mal de tête, causé par la chute d’une porte, joint à une piquante douleur de côté. Le médecin la juge mortelle, et ne le dissimule pas. M. de La Salle l’apprend avec un air gai et content, comme une heureuse nouvelle qu’il attendait de jour en jour. Le médecin soumet son malade à des remèdes douloureux, répugnants, et sans succès.
Un jour où le Frère Barthélemy, alors Supérieur de l’Institut, est seul près du malade, un Frère entend comme le bruit d’une dispute et vient le prier de ne pas affliger M. de La Salle : « M. notre cher Père, explose le Supérieur, vient de me dire que sa maladie ruine la Maison, et qu’il vaut mieux le laisser mourir que de faire tant de dépenses ! » Le Fondateur ajoutera : « Mon heure approche, et il ne faut plus avoir recours qu’au souverain Médecin, qui seul peut guérir et soulager mon mal. »
Dimanche 19 mars 1719, il se lève et célèbre la fête de saint Joseph : est-ce une guérison ? Il peut encore donner des avis aux Frères puis, ses forces l’abandonnant, il doit se recoucher et ne se relèvera plus pour célébrer : c’était sa dernière messe.
Condamné sans avoir été entendu
Lundi saint 3 avril 1719, M. de La Salle dicte son testament.
Puis le curé de Saint-Sever, dont dépend Saint-Yon, vient lui annoncer : “Vous allez mourir, et comparaître devant Dieu.” – “Je le sais, répond sans se troubler le malade, et je suis très soumis à ses ordres. Mon sort est entre ses mains, sa volonté soit faite.” Le curé veut alors terminer la querelle qu’il avait avec M. de La Salle. Selon la convention passée en 1706 avec la paroisse, Frères et élèves de Saint-Yon devaient aller à la messe de paroisse aux grandes fêtes. Cette clause de la convention n’est plus applicable car, depuis, la maison accueille des prisonniers (ils se sauveraient !) et des Frères malades (ils ne peuvent se déplacer). Accusant M. de La Salle de manquer à sa parole, le curé avait demandé de lui retirer ses pouvoirs de confesser.
Comment faire cesser cette querelle ? La procédure continue à l’archevêché : pour le Vicaire général, Jean-Baptiste de La Salle a menti, et il vient l’en accuser devant Mgr d’Aubigné. Le chanoine Blain, biographe, cherche à montrer la bonne foi du mourant. Il est chargé de lui annoncer sa destitution. Il vient le voir une fois avant d’oser lui en parler. À la deuxième visite, le malade lui répond tranquillement : “J’en avais eu la défiance sur ce que vous m’aviez fait l’honneur de me dire dans votre dernière visite.”
Les derniers sacrements
Mardi saint 4 avril, il demande à recevoir l’eucharistie.
C’est son “passeport” pour l’éternité. Il passe toute la nuit à s’y préparer. Il se sent si proche de sa fin.
Mercredi saint 5 avril, il se lève.
Il revêt étole et surplis reçoit la communion avec la dévotion d’un séraphin puis doit se recoucher. Il demande l’extrême-onction (le sacrement des malades).
Jeudi saint 6 avril, il reçoit ce sacrement en pleine connaissance.
puis il reste 7 heures dans un profond silence qu’il ne rompt que pour s’adresser à ceux qui environnent son lit. Après sa confession, on l’a entendu dire à son confesseur : “Mon Père, je suis si lâche que j’ai demandé à Dieu de me faire mourir”.
Vendredi saint, M. de La Salle va entrer en agonie.
Les Frères se jettent à genoux et le Frère Barthélemy, Supérieur de l’Institut, le prie de les bénir. Il lève les yeux au ciel et dit : “Que le Seigneur vous bénisse tous.” Son agonie dure d’abord de minuit à 2 h ½ du lendemain. Quand il revient à lui, le Frère Supérieur lui demande s’il accepte ses peines : « Oui, j’adore en toutes choses la conduite de Dieu à mon égard. » Ce sont ses dernières paroles.De 3 h à 4 h du matin, il retombe en agonie. Enfin, il fait un effort comme pour se lever et aller au-devant de quelqu’un ; il joint les mains, lève les yeux au ciel, et expire.
Ainsi est-il décédé le vendredi saint 7 avril 1719, âgé de 68 ans.
Honneurs posthumes Dès qu’il apprend cette mort, le grand vicaire qui l’avait fait condamner s’écrie : « C’est un saint, le saint est mort ! » Il aurait pu ajouter qu’il avait mis lui-même le dernier trait à sa sainteté.Après sa mort, le visage de M. de La Salle paraît reposé. On l’aurait cru encore vivant, recueilli comme en oraison ou écoutant la reddition de compte d’un Frère. Avant son enterrement, les gens viennent en foule le contempler, étendu en habits sacerdotaux sur un lit. Le peintre Du Phly fait son portrait mortuaire. Vers 1725, Crêpy gravera, à partir de ce tableau, une image mortuaire de « Messire Jean-Baptiste de La Salle […] Il a vécu dans un entier abandon à la Providence pendant les 40 ans qu’il a demeuré avec les Frères ».
Frère Alain Houry
Après avoir reposé pendant 137 ans à Rouen et 31 ans à Lembecq-lez-Hal en Belgique, les restes de Jean-Baptiste de La Salle arrivent à Rome le 24 janvier 1937. La châsse qui les contient se trouve dans la chapelle de la Maison généralice.