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Lettre du Vicaire Apostolique de Beyrouth

Lettre du Vicaire Apostolique de Beyrouth

Profil biographique

2. Géries (Georges) Saleh, le futur Fr. Thomas, naquit le 3 mai 1879, à Baabdath, village de la montagne libanaise. Il était le cinquième d’une famille maronite de six enfants. Le 17 novembre 1881, naquit dans le même village Youssef (Joseph) Oueiss, nom de famille changé plus tard en Melki. Il était le septième d’une famille maronite de onze enfants. Tous les deux furent baptisés et grandirent à Baabdath, lorsqu’une série d’événements divisèrent le village. Une grande partie des familles du village, se sentant injustement traitée, fit appel aux autorités civiles, puis ecclésiastiques, mais en vain. Le groupe rejoint alors les protestants pour quelques mois, avant d’être reçu dans l’Église latine, après l’intervention du Saint-Siège. On fit venir les capucins de Beyrouth, pour les accueillir, mais surtout pour apaiser les tensions. Parmi ces familles, il y avait celles de Géries et Youssef. Quelques mois plus tard, ces jeunes adolescents reçurent le sacrement de la confirmation dans l’Église latine, le 19 novembre 1893. 

3. Avec d’autres compagnons de Baabdath, les deux jeunes garçons furent attirés par l’exemple des capucins, qui étaient alors italiens, et ils choisirent de devenir missionnaires comme eux. Ils furent préparés et envoyés au petit séminaire de Santo Stefano, à Istanbul, qui appartenait à l’Institut Apostolique d’Orient. Cet institut fut créé pour la formation des missionnaires, destinés à être envoyés en Orient. Tandis que le bienheureux Abouna Yaaqoub terminait son noviciat à Ghazir, au Liban, chez les capucins de la province de Lyon, ces cinq garçons quittèrent tout et s’embarquèrent sans crainte pour Istanbul, qu’ils rejoignirent le 28 avril 1895. Dans plusieurs régions de la Turquie, même à Istanbul, les persécutions contre les chrétiens et surtout contre les Arméniens avaient déjà commencé en décembre 1894.

4. Pendant leurs quatre années d’études scolaires, ils furent reçus au Tiers-Ordre franciscain, comme c’était la tradition dans ce séminaire. Ensuite, le 2 juillet 1899, ils entrèrent au noviciat : Géries reçut le nom de Fr. Thomas d’Aquin et Youssef celui de Fr. Léonard de Port-Maurice. Après leur profession simple, ils étudièrent la philosophie et la théologie pendant six ans à Boudja, près de Smyrne, qui faisait partie du même institut. Ils furent ordonnés prêtres le 4 décembre 1904, alors que leur couvent se préparait à célébrer avec grande solennité le jubilé d’or de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception ! Ils passèrent l’examen de missionnaire le 23 avril 1906 et furent affectés à la Mission de Mésopotamie, qui était confiée alors à la province de Lyon. Ils purent visiter Baabdath, leur village natal, avant d’être acheminés à Mardine, en Mésopotamie.

5. P. Thomas y mena une activité apologétique auprès des protestants et des syriaques orthodoxes – selon l’ecclésiologie du temps –, en plus de la catéchèse, de l’enseignement à l’école, de la prédication et des confessions. P. Léonard, quant à lui, dirigea l’école, anima le Tiers-Ordre franciscain et prêcha la Parole de Dieu, avec zèle et constance. Les deux nouveaux missionnaires réussirent merveilleusement avec les enfants et les jeunes. Malgré certaines critiques, ils étaient très créatifs dans leur ministère : théâtre, poèmes, jeux bibliques, etc…

6. Pour la première fois, après treize ans, P. Thomas fut séparé de son compagnon, le Père Léonard, en octobre 1908. Dorénavant, leurs chemins seront indépendants l’un de l’autre. P. Thomas fut alors muté à Kharpout, en Arménie mineure, puis à Diarbékir, en Mésopotamie, deux ans plus tard. Il continua avec ténacité la défense de la foi, l’enseignement, la catéchèse, la direction de l’école, l’animation du Tiers-Ordre. Il se trouvait au Liban, une deuxième et dernière fois, lorsqu’éclata la première guerre mondiale. Plus tard, dans une dernière lettre adressée à sa famille, il écrivait : « La peur englobe tout le monde, vous et moi. Mais à quoi sert-il de nous inquiéter du moment qu’aucun cheveu de notre tête ne tombe sans Sa divine volonté ? » Puis il renouvelait sa confiance en Dieu : « Ma vie vient de Dieu. Il peut la prendre quand il voudra ».

7. P. Léonard, qui était à Mardine, vit sa santé se dégrader au bout de quatre ans. Il fut alors obligé de prendre un temps de repos à Mamouret-ul-Aziz, en Arménie mineure, en 1910, puis, un an plus tard, à Baabdath, pour une dernière fois, avant d’être affecté à Orfa. Au début de la première guerre mondiale, il est de nouveau à Mardine avec un ancien missionnaire italien, le Père Daniel, octogénaire. Le 5 décembre 1914, des soldats firent irruption dans l’église des capucins, mais P. Léonard eut le temps de cacher le Saint-Sacrement chez un voisin arménien. Puis, voulant accompagner des religieuses franciscaines dans une ville plus sûre, il décida de rester à Mardine, uniquement par charité pour le Père Daniel, qui ne pouvait pas songer à partir. Il était prêt à toutes les éventualités.

8. Le 3 juin 1915, commencèrent les arrestations des chrétiens en masse : parmi eux, se trouvaient l’archevêque arménien catholique, le bienheureux Ignace Maloyan, et ses prêtres. Puis, le 5 juin, vint le tour du Père Léonard qui fut torturé sauvagement, refusant à plusieurs reprises l’offre d’avoir la vie sauve s’il se convertissait à l’islam. Durant ces jours de captivité, la prison était devenue une cathédrale avec prières, confessions et messe. Le 10 juin 1915, P. Léonard fut conduit avec 416 compagnons, dans un premier convoi, vers Diarbékir. Il eut l’honneur d’ouvrir le cortège. Durant ce voyage, l’évêque obtint du commissaire de police l’autorisation de s’arrêter pour une dernière prière : il consacra le pain et fit distribuer la communion. Après avoir refusé encore une fois la conversion à l’islam, ils furent tous massacrés, et l’on jeta leurs corps dans des puits et des cavernes.

9. Pendant ce temps, P. Thomas, ainsi qu’un confrère, furent expulsés de Diarbékir le 22 décembre 1914, et trouvèrent refuge à Orfa. Après Pâques, un projet d’extermination des chrétiens d’Orfa commençait à se manifester : soldats, notables et prêtres de toutes les confessions chrétiennes furent massacrés. C’est ainsi qu’un prêtre arménien catholique cherchant refuge ne fut accueilli que par les capucins. Le gardien du couvent et le Père Thomas montrèrent une charité héroïque en lui donnant refuge. Le 24 septembre 1916, le prêtre arménien fut arrêté et le couvent perquisitionné : parmi les objets trouvés, il y avait un petit revolver, découvert soi-disant dans la chambre du Père Thomas. Cette arme servira de pièce à conviction devant les cours martiales, pour sa condamnation à mort. Durant cette période, il demandait tous les jours à Jésus-Hostie d’enlever les souffrances du prêtre arménien, et de les lui donner, à lui.

Trois mois plus tard, il fut arrêté avec ses compagnons et envoyé, sous la pluie en plein hiver, pour comparaître à Marache. Il fut brutalisé, maltraité, laissé sans nourriture et jeté dans des prisons infectées, si bien que, exténué et à bout de forces, il contracta le typhus. Arrivé à Marache, on ne permit à ses compagnons de lui faire venir un médecin qu’après trois jours de démarches – trop tard, hélas ! – grâce à l’intervention d’un franciscain hollandais qui lui administra les derniers sacrements. Il mourut le 18 janvier 1917, en consolant ses frères qui le pleurait : « Je n’ai pas peur de la mort. Pourquoi aurai-je peur ? N’est-ce pas notre Père miséricordieux qui doit nous juger ? Pourquoi souffrons-nous maintenant, sinon pour son amour ».

Source: www.ofmcap.org