« … mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur ; conduisez-vous en enfants de lumière »” (Ef. 5,8).
Chers Lasalliens, chères Lasalliennes :
1. En guise d’INTRODUCTION
Il ne s’agit pas de manquer d’humilité en pensant que notre lumière est
unique, parfaite et même la meilleure mais plutôt de voir la nôtre
rayonner à cause de notre désir de croître en sainteté, cette sainteté
qui rayonne aussi sur nos élèves « tant par notre bon exemple que par
les paroles de salut que nous devons tous les jours leur annoncer »,[1] comme le dit notre saint Fondateur.
Nous faisons briller notre lumière à cause de l’amour que nous sentons
et vivons car nous le savons bien, « nous devons nous aimer les uns les
autres de l’amour dont il nous a aimés ».[2]
Tertullien affirmait des premiers chrétiens au 2e siècle : «
Regardez comment ils s’aiment ! Regardez comment ils sont disposés à
mourir l’un pour l’autre ». C’est de cela dont il s’agit, Lasalliens,
n’est-ce pas ? En fait, nous affirmons notre conviction que « …l’amour
de Dieu est inséparable de l’amour de l’homme, comme la Foi l’est du
Zèle ».[3]
Oui, briller de notre propre lumière est possible si nous vivons en
plénitude, si nous nous efforçons d’être plus authentiques et d’éviter
que l’égoïsme et les peurs nichent dans nos cœurs et conditionnent toute
notre vie.
Une histoire thaïlandaise me vient à l’esprit qui peut éclairer notre réflexion :
« Chaque fois que la nuit tombait et que le ciel s’assombrissait, un
groupe de lucioles avaient l’habitude de voler et, tout en jouant, elles
montraient leurs scintillements lumineux. Mais parmi toutes les
lucioles, il y en avait une très petite qui préférait se cacher au creux
d’un arbre pendant que les autres voltigeaient et s’amusaient. Le
comportement de la petite déconcentrait et inquiétait ses compagnes,
mais malgré leur insistance elles n’arrivaient pas à changer son
attitude. Un soir, alors qu’elles étaient toutes parties voler, la
luciole aînée s’approcha de la petite et lui demanda : « qu’est-ce qui
t’arrive ? Pourquoi ne sors-tu pas t’amuser avec nous ? » Alors la
petite luciole répondit : « ce qui m’arrive, c’est que je ne brillerai
jamais autant que la lune. Elle est majestueuse et son reflet peut être
vu sur des millions de kilomètres, alors que ma lumière est si faible
que cela ne ressemble guère à une étincelle.
La luciole aînée lui répondit : Ton problème est que, étant enfermée, tu
ne pouvais pas apprendre quelque chose de très important. La lune ne
brille pas toujours de la même façon ; certaines nuits elle a l’air
immense et ressemble à un disque d’argent dans le ciel, mais, d’autres
fois, elle semble préférer se cacher dans les nuages et disparaître.
Parfois, ça pousse et parfois ça devient minuscule, mais elle se sent
toujours fière de pouvoir briller grâce à son ami le soleil ». La petite
luciole se mit alors à battre des ailes et décida de voler, car en
écoutant sa compagne, elle apprit que nous sommes tous différents et que
l’important est que chacun puisse briller de sa propre lumière ».
Nos justifications, notre réconfort, nos préjugés ne nous empêchent-ils
pas d’être plus cohérents ? Ne serions-nous pas beaucoup plus heureux et
plus actifs par amour si nous ne vivions pas aussi renfermés sur
nous-mêmes ?
2. Un SELFIE avec notre FRATERNITÉ
Nous, les Lasalliens, nous devons apprendre à développer nos propres
lumières. Toutes les fraternités doivent trouver le moyen de surmonter
les obscurités possibles que la vie nous réserve et qui nous empêchent
de briller comme Dieu nous le demande.
C’est le moment de l’avent, le bon moment pour faire une pause dans
notre itinéraire sur le plan personnel et communautaire. Pourquoi ne
prenons-nous pas un selfie ? Si nous nous y regardons, que voyons-nous ?
Nul doute que la photo d’aujourd’hui aura peu à voir avec celle que
nous aurions pu prendre il y a à peine… 5 ans ?
Notre selfie lasallien nous parle aujourd’hui de diversité,
d’interculturalité, d’interreligiosité, de partage du charisme avec
d’autres charismes, d’un engagement plus fort envers les plus
vulnérables …
Je partage avec vous mon selfie lasallien des dernières expériences
vécues au cours de ces mois lors de différentes visites et rencontres :
- Participer à l’Assemblée de la MEL du District de France m’a permis de valoriser les efforts et l’engagement des Frères et des Lasalliens qui marchent ensemble et par association en faveur de la mission éducative lasallienne. J’ai été impressionné de voir l’appréciation et la confiance mutuelle qui lient Frères et laïcs lasalliens. Il est évident qu’ils développent le don de la fraternité et qu’ils cherchent à répondre de manière réaliste aux défis du présent de manière créative et dynamique.
- Dans le Midwest District de Chicago où j’ai pu faire l’expérience du don de fidélité d’un bon groupe de Frères qui ont prononcé leurs premiers vœux, leurs vœux perpétuels ou qui ont célébré le Jubilé d’Or de leur profession. Partager leurs expériences de vie, entouré de leurs Frères, de leurs familles et de nombreux compagnons lasalliens, a été un moment privilégié pour moi. Leur joie et leur accueil ont marqué cette visite.
- Partager avec les Fraternités Signum Fidei du District du Proche-Orient lors de leur Assemblée m’a montré la profondeur de leur approche, leur richesse spirituelle et leur engagement dans la mission lasallienne. Quelques jours de rencontre vraiment fraternelle pour partager des rêves et répondre à de nombreux défis relevés avec foi et joie.
- Les différentes réunions dans le District ARLEP avec des jeunes et avec les équipes de la mission partagée locale de Catalogne. Une diversité et une pluralité qui démontrent leur désir de continuer à marcher avec les autres dans une véritable expérience de communion. Avec eux, j’ai renouvelé mon espoir dans l’avenir lasallien.
- La présence dans le Projet Fratelli (Liban), profitant du fait que nous avons fait nos adieux aux jeunes volontaires qui ont partagé leur vie au cours de l’année écoulée. Un projet intercongrégations (Frères Maristes et de La Salle), une communauté de Frères et de laïcs qui montre que l’engagement intercongrégations et le partage de charismes est possible si nous pouvons sortir de nous-mêmes, si nous croyons vraiment en l’action de l’Esprit, si nous sommes plus humbles et plus ouverts.
Chacune de ces photos répond à la réalité que j’ai vue, une réalité dont
l’importance réside dans les personnes ouvertes à comprendre ce qui est
nouveau, à accueillir les différences sans se figer dans le noir ou le
blanc mais en prenant des couleurs et des nuances. En bref, Lasalliens
de cœur. C’est notre façon de rayonner la lumière.
La question qui se pose est donc … Quel est ton selfie d’après ta
propre expérience? Comment regardons-nous la réalité lasallienne ?
Quelle lumière rayonnons-nous ?
3. À partir de NOTRE SPIRITUALITÉ
Saint Jean-Baptiste de La Salle nous rappelle que nous devons vivre
éclairés et guidés par l’Esprit de Dieu : « Si vous vous conduisez comme
disciples de Jésus-Christ et comme éclairés par l’Esprit de Dieu, ce
doit être la seule lumière qui vous doit conduire »,[4] En effet, « Dieu est lumière »[5] et nous devons marcher dans la lumière, rayonner sa lumière.
Et comment pouvons-nous rayonner sa lumière? Nous nous tournons vers
Éphésiens 5 : 8-9. Nous trouvons trois clés dans ce texte: la
gentillesse, la justice et la vérité.
- La BONTÉ : c’est la qualité humaine de ce qui est bon, cette inclination naturelle à faire le bien. Nous sommes bons quand nous sommes toujours disposés à aider ceux qui en ont besoin, peu importe qui sont-ils. Lorsqu’on partage la passion pour l’autre et avec l’autre, la compassion. Lorsque nous maintenons une attitude gentille et généreuse envers les autres. Saint Jean-Baptiste de La Salle nous rappelle que « nous ne sommes dans ce monde que pour faire le bien »[6] et que, dans notre mission, c’est l’un de nos objectifs, car « il est nécessaire que les enfants connaissent les principales vertus et les bonnes œuvres dont ils sont capables »[7] et pour cela, il suggère deux moyens importants : le premier est « d’entrer fréquemment en nous-mêmes pour renouveler et raviver la présence de Dieu … Plus vous essayez de la conserver, plus il est facile de faire le bien… »[8] ; et le second est de « demander à Dieu un cœur pur »[9] Dans notre spiritualité, la bonté naît d’un cœur pur, plein de Dieu qui nous pousse à être bons et à éduquer à partir du bien et pour le bien.
En ce sens, « le Signum Fidei examine fréquemment ses actions,
réconcilie ses limites avec l’humilité et cherche à se réconcilier avec
ses frères et avec Dieu en recourant à la correction fraternelle et au
sacrement du pardon »,[10]
et « renforce leur vie chrétienne par un accompagnement humain et
spirituel adéquat, la prière, la vie sacramentelle, la participation aux
recollections et aux retraites au moins une fois l’an et par les
rencontres communautaires ».[11]
• LA JUSTICE: c’est la libération, elle exige une
écoute active et, lorsque les cris des souffrance de notre monde nous
touchent, nous nous engageons à agir comme Dieu, le Père miséricordieux,
« qui aime et veut que ses enfants vivent dans le bien et la justice ».[12]
Nous sommes tenus de protéger les personnes non protégées, de libérer
les opprimés, de défendre les droits des plus pauvres parce que c’est à
eux que nous sommes envoyés [13]
car « à tout instant, les membres de la Fraternité montrent une
attention préférentielle pour ceux qui sont le plus dans le besoin, ceux
qui sont les derniers, ceux qui souffrent ou qui sont marginalisés ».[14]
Par conséquent, nous devons « demander à Dieu instamment qu’il lui
plaise d’accroître notre Institut et de le faire fructifier de jour en
jour, afin que, comme dit saint Paul, le cœur des fidèles soit affermi
dans la sainteté et la justice ».[15]
• La VÉRITÉ : si nécessaire dans un monde de plus en
plus agnostique, un monde où domine le relativisme ; un monde sceptique,
fuyant les grandes questions de sens : qui suis-je ? D’où viens-je et où vais-je ? Pourquoi y a-t-il du mal ? Que se passe-t-il après cette vie ? … Aujourd’hui, la question du pragmatique Pilate continue de résonner : Qu’est-ce que la vérité ? [16] C’est la question si bien analysée par Benoît XVI [17]
et dont la réponse est clé pour toute l’humanité car « la foi et la
raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de
s’élever vers la contemplation de la vérité. C’est Dieu qui a mis au
cœur de l’homme le désir de connaître la vérité et, au terme, de le
connaître lui-même afin que le connaissant et l’aimant, il puisse
atteindre la pleine vérité sur lui-même ».[18]
Notre réponse lasallienne se retrouve dans notre regard de foi. En tant
que fraternité, nous disons : « L’Esprit de Foi incite le Signum Fidei à
lire les événements de la vie avec les yeux de la foi, à envisager
toutes choses avec le regard de Dieu, à attribuer tout à Dieu et à
reconnaître le visage de Jésus en chaque personne », [19] comme nous le propose saint Jean-Baptiste de La Salle.[20]
Il est vrai qu’ « aujourd’hui, certes, nous voyons dans un miroir,
d’une manière confuse, mais alors ce sera face à face. Aujourd’hui, je
connais d’une manière imparfaite, mais alors je connaîtrai comme je suis
connu ».[21]
C’est alors que nous avons besoin de demander souvent à Marie, suivant
les paroles de notre Fondateur, « qu’elle éclaire notre esprit et
qu’elle le rende docile à la vérité ».[22]
Saint Paul nous dit également « examinez ce qui plaît au Seigneur ».
L’avent est un bon moment pour répondre à l’appel du Fondateur : « Ils
s’étudieront à avoir une continuelle vigilance sur eux-mêmes pour ne pas
faire s’il leur est possible une seule action naturellement, par
coutume ou par quelque motif humain, mais ils feront en sorte de les
faire toutes par la conduite de Dieu, par le mouvement de son Esprit et
avec intention de lui plaire ».[23]
Bon discernement !
4. En conclusion
Nous concluons avec un autre texte évocateur :
« Un homme de la ville de Neguá, sur la côte colombienne parvint à monter au ciel.
À son retour, il a raconté qu’il avait contemplé la vie humaine de
là-haut. Et il dit que nous sommes comme une mer de petits feux.
Voilà, c’est ça le monde, dit-il, beaucoup de gens, une mer de petits feux.
Chaque personne brille de sa propre lumière parmi toutes les autres.
Il n’y a pas deux feux identiques.
Il y a des grands feux et des petits feux et des feux de toutes les couleurs …
Il y a des gens au feu serein, qui ne sentent même pas le vent, et des gens au feu fou, qui remplit l’air d’étincelles.
Certains feux ne s’allument pas, mais d’autres brûlent la vie avec tant
de frénésie que vous ne pouvez pas les regarder sans cligner des yeux,
et quiconque s’en approche s’allume ». [24]
Tous les Lasalliens, toutes les Lasalliennes, nous avons le défi de
briller de notre propre lumière, d’être de « petits feux » et de
nombreuses couleurs prêts à ouvrir de nouvelles voies pour les nouveaux
adeptes de Jésus de Nazareth, car « vous êtes la lumière du monde. Une
ville située au sommet d’une colline ne peut être cachée. On n’allume
pas non plus une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le
chandelier, afin qu’elle puisse briller sur tous ceux qui se trouvent
dans la maison. Que votre lumière soit si brillante devant les hommes
qu’ils puissent voir vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est
dans les cieux » (Mt 5,13-16).
[1] MD 39,2,2 [2] Jn 13,34 [3] Style de vie – Signum Fidei, 2,10. [4] MD 44,1,2 [5] 1 Jn 1,5 [6] R 16,1,5 [7] MR 200,3,1 [8] Cf. Lettres – LA 1,5 [9] MD 36,2,2 [10] Style de Vie – Signum Fidei, 44 [11] Style de Vie – Signum Fidei, 44 [12] Pape François, Audience générale du 3 février 2016. [13] Cf. Lc 4,18 [14] Style de Vie – Signum Fidei, 17. [15] MR 207,2,2 [16] Jn 18,3 [17] Joseph Ratzinger/Benedicto XVI, Jésus de Nazareth, 2011, p. 22 [18] Introduction à l’encyclique Fides et ratio.[19] Style de Vie – Signum Fidei, 8 [20] R 11,1,2 [21] 1 Co 13,12 [22] MF 164,1,2 [23] RC 2, 6 / Recueil – R 11,1,5 [24] Eduardo Galeano. El libro de los abrazos. 2003. Editorial Siglo XXI Pág. 5