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BRILLER DE SA PROPRE LUMIERE ! Lettre Nº 11

BRILLER DE SA PROPRE LUMIERE ! Lettre Nº 11

« … mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur ; conduisez-vous en enfants de lumière »” (Ef. 5,8).

Chers Lasalliens, chères Lasalliennes :

1. En guise d’INTRODUCTION

Il ne s’agit pas de manquer d’humilité en pensant que notre lumière est unique, parfaite et même la meilleure mais plutôt de voir la nôtre rayonner à cause de notre désir de croître en sainteté, cette sainteté qui rayonne aussi sur nos élèves « tant par notre bon exemple que par les paroles de salut que nous devons tous les jours leur annoncer »,[1] comme le dit notre saint Fondateur.

Nous faisons briller notre lumière à cause de l’amour que nous sentons et vivons car nous le savons bien, « nous devons nous aimer les uns les autres de l’amour dont il nous a aimés ».[2]

Tertullien affirmait des premiers chrétiens au 2e siècle : « Regardez comment ils s’aiment ! Regardez comment ils sont disposés à mourir l’un pour l’autre ». C’est de cela dont il s’agit, Lasalliens, n’est-ce pas ? En fait, nous affirmons notre conviction que « …l’amour de Dieu est inséparable de l’amour de l’homme, comme la Foi l’est du Zèle ».[3]

Oui, briller de notre propre lumière est possible si nous vivons en plénitude, si nous nous efforçons d’être plus authentiques et d’éviter que l’égoïsme et les peurs nichent dans nos cœurs et conditionnent toute notre vie.

Une histoire thaïlandaise me vient à l’esprit qui peut éclairer notre réflexion :


« Chaque fois que la nuit tombait et que le ciel s’assombrissait, un groupe de lucioles avaient l’habitude de voler et, tout en jouant, elles montraient leurs scintillements lumineux. Mais parmi toutes les lucioles, il y en avait une très petite qui préférait se cacher au creux d’un arbre pendant que les autres voltigeaient et s’amusaient. Le comportement de la petite déconcentrait et inquiétait ses compagnes, mais malgré leur insistance elles n’arrivaient pas à changer son attitude. Un soir, alors qu’elles étaient toutes parties voler, la luciole aînée s’approcha de la petite et lui demanda : « qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi ne sors-tu pas t’amuser avec nous ? » Alors la petite luciole répondit : « ce qui m’arrive, c’est que je ne brillerai jamais autant que la lune. Elle est majestueuse et son reflet peut être vu sur des millions de kilomètres, alors que ma lumière est si faible que cela ne ressemble guère à une étincelle.

La luciole aînée lui répondit : Ton problème est que, étant enfermée, tu ne pouvais pas apprendre quelque chose de très important. La lune ne brille pas toujours de la même façon ; certaines nuits elle a l’air immense et ressemble à un disque d’argent dans le ciel, mais, d’autres fois, elle semble préférer se cacher dans les nuages ​​et disparaître. Parfois, ça pousse et parfois ça devient minuscule, mais elle se sent toujours fière de pouvoir briller grâce à son ami le soleil ». La petite luciole se mit alors à battre des ailes et décida de voler, car en écoutant sa compagne, elle apprit que nous sommes tous différents et que l’important est que chacun puisse briller de sa propre lumière ».

Nos justifications, notre réconfort, nos préjugés ne nous empêchent-ils pas d’être plus cohérents ? Ne serions-nous pas beaucoup plus heureux et plus actifs par amour si nous ne vivions pas aussi renfermés sur nous-mêmes ?

2. Un SELFIE avec notre FRATERNITÉ

Nous, les Lasalliens, nous devons apprendre à développer  nos propres lumières. Toutes les fraternités doivent trouver le moyen de surmonter les obscurités possibles que la vie nous réserve et qui nous empêchent de briller comme Dieu nous le demande.

C’est le moment de l’avent, le bon moment pour faire une pause dans notre itinéraire sur le plan personnel et communautaire. Pourquoi ne prenons-nous pas un selfie ? Si nous nous y regardons, que voyons-nous ? Nul doute que la photo d’aujourd’hui aura peu à voir avec celle que nous aurions pu prendre il y a à peine… 5 ans ?

Notre selfie lasallien nous parle aujourd’hui de diversité, d’interculturalité, d’interreligiosité, de partage du charisme avec d’autres charismes, d’un engagement plus fort envers les plus vulnérables …

Je partage avec vous mon selfie lasallien des dernières expériences vécues au cours de ces mois lors de différentes visites et rencontres :

  • Participer à l’Assemblée de la MEL du District de France m’a permis de valoriser les efforts et l’engagement des Frères et des Lasalliens qui marchent ensemble et par association en faveur de la mission éducative lasallienne. J’ai été impressionné de voir l’appréciation et la confiance mutuelle qui lient Frères et laïcs lasalliens. Il est évident qu’ils développent le don de la fraternité et qu’ils cherchent à répondre de manière réaliste aux défis du présent de manière créative et dynamique.
  • Dans le Midwest District de Chicago où j’ai pu faire l’expérience du don de fidélité d’un bon groupe de Frères qui ont prononcé leurs premiers vœux, leurs vœux perpétuels ou qui ont célébré le Jubilé d’Or de leur profession. Partager leurs expériences de vie, entouré de leurs Frères, de leurs familles et de nombreux compagnons lasalliens, a été un moment privilégié pour moi. Leur joie et leur accueil ont marqué cette visite.
  • Partager avec les Fraternités Signum Fidei du District du Proche-Orient lors de leur Assemblée m’a montré la profondeur de leur approche, leur richesse spirituelle et leur engagement dans la mission lasallienne. Quelques jours de rencontre vraiment fraternelle pour partager des rêves et répondre à de nombreux défis relevés avec foi et joie.
  • Les différentes réunions dans le District ARLEP avec des jeunes et avec les équipes de la mission partagée locale de Catalogne. Une diversité et une pluralité qui démontrent leur désir de continuer à marcher avec les autres dans une véritable expérience de communion. Avec eux, j’ai renouvelé mon espoir dans l’avenir lasallien.
  • La présence dans le Projet Fratelli (Liban), profitant du fait que nous avons fait nos adieux aux jeunes volontaires qui ont partagé leur vie au cours de l’année écoulée. Un projet intercongrégations (Frères Maristes et de La Salle), une communauté de Frères et de laïcs qui montre que l’engagement intercongrégations et le partage de charismes est possible si nous pouvons sortir de nous-mêmes, si nous croyons vraiment en l’action de l’Esprit, si nous sommes plus humbles et plus ouverts.

Chacune de ces photos répond à la réalité que j’ai vue, une réalité dont l’importance réside dans les personnes ouvertes à comprendre ce qui est nouveau, à accueillir les différences sans se figer dans le noir ou le blanc mais en prenant des couleurs et des nuances. En bref, Lasalliens de cœur. C’est notre façon de rayonner la lumière.

La question qui se pose est donc … Quel est ton selfie d’après ta propre expérience? Comment regardons-nous la réalité lasallienne ? Quelle lumière rayonnons-nous ?

3. À partir de NOTRE SPIRITUALITÉ

Saint Jean-Baptiste de La Salle nous rappelle que nous devons vivre éclairés et guidés par l’Esprit de Dieu : « Si vous vous conduisez comme disciples de Jésus-Christ et comme éclairés par l’Esprit de Dieu, ce doit être la seule lumière qui vous doit conduire »,[4] En effet, « Dieu est lumière »[5] et nous devons marcher dans la lumière, rayonner sa lumière.
Et comment pouvons-nous rayonner sa lumière? Nous nous tournons vers Éphésiens 5 : 8-9. Nous trouvons trois clés dans ce texte: la gentillesse, la justice et la vérité.

  • La BONTÉ : c’est la qualité humaine de ce qui est bon, cette inclination naturelle   à faire le bien. Nous sommes bons quand nous sommes toujours disposés à aider ceux qui en ont besoin, peu importe qui sont-ils. Lorsqu’on partage la passion pour l’autre et avec l’autre, la compassion. Lorsque nous maintenons une attitude gentille et généreuse envers les autres. Saint Jean-Baptiste de La Salle nous rappelle que « nous ne sommes dans ce monde que pour faire le bien »[6]  et que, dans notre mission, c’est l’un de nos objectifs, car « il est nécessaire que les enfants connaissent les principales vertus et les bonnes œuvres dont ils  sont capables »[7]  et pour cela, il suggère deux moyens importants : le premier est « d’entrer fréquemment en nous-mêmes pour renouveler et raviver la présence de Dieu … Plus vous essayez de la conserver, plus il est facile de faire le bien… »[8] ;   et le second est de « demander à Dieu un cœur pur »[9]  Dans notre spiritualité, la bonté naît d’un cœur pur, plein de Dieu qui nous pousse à être bons et à éduquer à partir du bien et pour le bien.

En ce sens, « le Signum Fidei examine fréquemment ses actions, réconcilie ses limites avec l’humilité et cherche à se réconcilier avec ses frères et avec Dieu en recourant à la correction fraternelle et au sacrement du pardon »,[10]  et « renforce leur vie chrétienne par un accompagnement humain et spirituel adéquat, la prière, la vie sacramentelle, la participation aux recollections et aux retraites au moins une fois l’an et par les rencontres communautaires ».[11]

•   LA JUSTICE: c’est la libération, elle exige une écoute active et, lorsque les cris des souffrance de notre monde nous touchent, nous nous engageons à agir comme Dieu, le Père miséricordieux, « qui aime et veut que ses enfants vivent dans le bien et la justice ».[12] Nous sommes tenus de protéger les personnes non protégées, de libérer les opprimés, de défendre les droits des plus pauvres parce que c’est à eux que nous sommes envoyés [13] car « à tout instant, les membres de la Fraternité montrent une attention préférentielle pour ceux qui sont le plus dans le besoin, ceux qui sont les derniers, ceux qui souffrent ou qui sont marginalisés ».[14] Par conséquent, nous devons « demander à Dieu instamment qu’il lui plaise d’accroître notre Institut et de le faire fructifier de jour en jour, afin que, comme dit saint Paul, le cœur des fidèles soit affermi dans la sainteté et la justice ».[15]

•   La VÉRITÉ : si nécessaire dans un monde de plus en plus agnostique, un monde où domine le relativisme ; un monde sceptique, fuyant les grandes questions de sens : qui suis-je ? D’où viens-je et où vais-je ? Pourquoi y a-t-il du mal ? Que se passe-t-il après cette vie ? … Aujourd’hui, la question du pragmatique Pilate continue de résonner : Qu’est-ce que la vérité ? [16] C’est la question si bien analysée par Benoît XVI [17] et dont la réponse est clé pour toute l’humanité car « la foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. C’est Dieu qui a mis au cœur de l’homme le désir de connaître la vérité et, au terme, de le connaître lui-même afin que le connaissant et l’aimant, il puisse atteindre la pleine vérité sur lui-même ».[18]

Notre réponse lasallienne se retrouve dans notre regard de foi. En tant que fraternité, nous disons : « L’Esprit de Foi incite le Signum Fidei à lire les événements de la vie avec les yeux de la foi, à envisager toutes choses avec le regard de Dieu, à attribuer tout à Dieu et à reconnaître le visage de Jésus en chaque personne », [19] comme nous le  propose saint  Jean-Baptiste de La Salle.[20] Il est vrai qu’ « aujourd’hui, certes, nous voyons dans un miroir, d’une manière confuse, mais alors ce sera face à face. Aujourd’hui, je connais d’une manière imparfaite, mais alors je connaîtrai comme je suis connu ».[21] C’est alors que nous avons besoin de demander souvent à Marie, suivant les paroles de notre Fondateur, « qu’elle éclaire notre esprit et qu’elle le rende docile à la vérité ».[22]

Saint Paul nous dit également « examinez ce qui plaît au Seigneur ». L’avent est un bon moment pour répondre à l’appel du Fondateur : «  Ils s’étudieront à avoir une continuelle vigilance sur eux-mêmes pour ne pas faire s’il leur est possible une seule action naturellement, par coutume ou par quelque motif humain, mais ils feront en sorte de les faire toutes par la conduite de Dieu, par le mouvement de son Esprit et avec intention de lui plaire ».[23]
Bon discernement !

4. En conclusion

Nous concluons avec un autre texte évocateur :

“Un homme de la ville de Neguá, sur la côte colombienne parvint à monter au ciel.
À son retour, il a raconté qu’il avait contemplé la vie humaine de là-haut. Et il dit que nous sommes comme une mer de petits feux.
Voilà, c’est ça le monde, dit-il, beaucoup de gens, une mer de petits feux.
Chaque personne brille de sa propre lumière parmi toutes les autres.
Il n’y a pas deux feux identiques.
Il y a des grands feux et des petits feux et des feux de toutes les couleurs …
Il y a des gens au feu serein, qui ne sentent même pas le vent, et des gens au feu fou, qui remplit l’air d’étincelles.
Certains feux ne s’allument pas, mais d’autres brûlent la vie avec tant de frénésie que vous ne pouvez pas les regarder sans cligner des yeux, et quiconque s’en approche s’allume ». [24]

Tous les Lasalliens, toutes les Lasalliennes, nous avons le défi de briller de notre propre lumière, d’être de « petits feux » et de nombreuses couleurs prêts à ouvrir de nouvelles voies pour les nouveaux adeptes de Jésus de Nazareth, car « vous êtes la lumière du monde. Une ville située au sommet d’une colline ne peut être cachée. On n’allume pas non plus une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le chandelier, afin qu’elle puisse briller sur tous ceux qui se trouvent dans la maison. Que votre lumière soit si brillante devant les hommes qu’ils puissent voir vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,13-16).



[1]  MD 39,2,2 [2]  Jn 13,34 [3]  Style de vie – Signum Fidei, 2,10. [4]  MD 44,1,2 [5]  1 Jn 1,5 [6]   R 16,1,5 [7]  MR 200,3,1 [8]  Cf. Lettres – LA 1,5 [9]  MD 36,2,2      [10]  Style de Vie – Signum Fidei, 44 [11]   Style de Vie – Signum Fidei, 44 [12] Pape François, Audience générale du 3 février 2016. [13]  Cf. Lc 4,18 [14]  Style de Vie – Signum Fidei, 17. [15]  MR 207,2,2 [16]  Jn 18,3 [17]  Joseph Ratzinger/Benedicto XVI, Jésus de Nazareth,  2011, p. 22 [18]  Introduction à l’encyclique Fides et ratio.[19]  Style de Vie – Signum Fidei, 8 [20]  R 11,1,2 [21]  1 Co 13,12 [22]  MF 164,1,2 [23]  RC 2, 6  /  Recueil – R 11,1,5 [24]  Eduardo Galeano. El libro de los abrazos. 2003. Editorial Siglo XXI Pág. 5