Home LibanAleteia.fr: Ces artisans de paix qui osent rester (dans leur pays)
Aleteia.fr: Ces artisans de paix qui osent rester (dans leur pays)

Aleteia.fr: Ces artisans de paix qui osent rester (dans leur pays)

https://fr.aleteia.org/2025/12/08/ces-artisans-de-paix-qui-osent-rester-dans-leur-pays

Jean-Étienne Rime – publié le 08/12/25

Dans un Liban magnifique mais meurtri par la guerre depuis des dizaines d’années, le Pape a osé demander début décembre à ses habitants de rester dans leurs pays. Comment est-il possible de formuler cette exigence ? se demande notre chroniqueur Jean-Étienne Rime.

Le pape Léon XIV nous a laissé des messages de paix lors de son voyage fin novembre et début décembre en Turquie et au Liban, messages entendus dans les différents pays du monde dont l’Ukraine, la Guinée-Bissau et surtout le Moyen-Orient. Cette paix ne s’exprimera pas sans la volonté profonde des peuples, laquelle se fonde sur les richesses de leur civilisation, leurs traditions, leurs solidarités. Dans ce sens, il faut noter l’importance du beau dans le discours du Pape, du cadre de vie dans lequel l’énergie d’un peuple se déploie : « Outre les beautés naturelles et les richesses culturelles du Liban… une qualité resplendissante distingue les Libanais : vous êtes un peuple qui ne succombe pas, mais qui sait toujours renaître avec courage face aux épreuves. » 

Beauté et résilience

C’est assez singulier de voir mentionnés dans la même phrase l’environnement merveilleux de ce pays « de lait et de miel » et les souffrances des Libanais, intimement liées leur capacité de résilience. Existe-t-il un lien entre un cadre de vie béni et cette capacité à renaître des perpétuels, conflits ? Oui, c’est l’espérance de vivre en paix et en harmonie dans un pays aimé, choyé, malgré les tempêtes. Il faut être allé au Liban pour ressentir la profonde volonté de paix des chrétiens de ce pays et leur indéfectible courage pour enseigner, chercher, guider les peuples de leur terre, quelle que soit leur origine.

Mais alors, pourquoi quitter ce Liban, pourquoi cette si importante diaspora ? Ce n’est pas à nous, dans notre confort français (mais oui !) de porter le moindre jugement mais le Pape a osé leur demander de rester : 

« Je voudrais souligner une caractéristique des artisans de la paix. Ils osent rester, même lorsque cela implique des sacrifices. Il arrive parfois qu’il soit plus facile de fuir ou, tout simplement, plus pratique d’aller ailleurs. Il faut vraiment du courage et de la clairvoyance pour rester ou revenir dans son pays, en estimant que même des conditions difficiles méritent amour et dévouement. »

Rester dans son pays

Nous avons là une notion nouvelle et fondamentale. Le prédécesseur de Léon XIV a beaucoup parlé des migrants et c’est en effet un phénomène de beaucoup de souffrances, notre pape actuel aborde le sujet au fond : il faut créer les conditions pour que les peuples vivent chez eux, en paix dans leur pays, avec leurs habitudes, dans leurs familles, avec leurs amis. Il affirme : 

« La violence, la pauvreté et bien d’autres menaces provoquent ici, comme ailleurs dans le monde, une hémorragie de jeunes et de familles qui cherchent un avenir ailleurs, même si cela leur cause une grande souffrance de quitter leur patrie… Cependant, il ne faut pas oublier que rester dans son pays et collaborer jour après jour au développement de la civilisation de l’amour et de la paix reste une chose très appréciable. »

Tous concernés

Léon XIV a livré ici une vision exigeante et très réaliste, fondamentalement ancrée dans la doctrine sociale de l’Église. Ce message va au-delà du Liban et concerne tous les pays où la misère est quotidienne, elle s’adresse aux chefs d’États et dirigeants qui entretiennent les inégalités, les tensions, les famines mais ce message est aussi destiné à nous, Européens, Français. Quelle est notre attitude à l’égard des pays qui ne respectent pas leur population, qui sont en guerre mais dont nous profitons des matières premières, de la main-d’œuvre bon marché ? Cela nécessite un long débat, des changements fondamentaux de politique économique. Notre conscience est cependant ébranlée en ouvrant les yeux sur ces pays de douleur.

Le Pape a osé demander aux Libanais de rester. Depuis l’Europe, il peut être difficile de comprendre la situation de ce pays et ses enjeux, cela ne veut pas dire que cela « concerne les autres ». Il nous reste à agir et aider les associations qui œuvrent sans relâche, les grandes comme l’Œuvre d’Orient, les petites comme Anjou-Liban, et prier avec et pour nos amis libanais. Ils sont à la fois l’avenir de la région et nos amis de toujours.