Hugues Lefèvre – (au Liban) – publié le 01/12/25
La visite du pape Léon XIV au Liban jusqu’au 2 décembre provoque un élan de joie dans le pays. Mais les chrétiens rencontrés sur le passage du Pape confient aussi leur crainte de voir le sud du pays de nouveau bombardé par Israël qui souhaite la démilitarisation du Hezbollah.
Écharpe blanche floquée du logo du voyage de Léon XIV au Liban, drapeau du Vatican en main, sœur Geneviève a du mal à cacher son émotion alors que le pape doit apparaître dans la basilique Notre-Dame du Liban, à Harissa, ce lundi. Comme plus de 2.000 prêtres et religieux libanais, elle n’aurait manqué ce rendez-vous avec le pontife américain pour rien au monde. « C’est une joie inexplicable », confie la religieuse de la communauté des Sœurs du Rosaire de Jésus. Basée à Saïda, dans le sud du Liban, elle gère un collège de 330 élèves avec une autre sœur de sa congrégation. Ce qu’elle demande à Dieu dans ses prières, et ce qu’elle espère de ce voyage du pape chez elle : « Le droit de vivre en paix. » Car sœur Geneviève a connu l’an passé l’angoisse des combats. « Nous avons dû quitter l’école durant trois mois à cause des bombardements israéliens », raconte-t-elle.
Après l’attaque du 7 octobre 2023 du Hamas contre Israël, la guerre a repris entre l’État hébreu et le parti du Hezbollah, cette milice chiite née à la suite de l’invasion israélienne du Liban en 1982, et dont le poids est particulièrement important dans le sud du pays. L’école dans laquelle œuvre sœur Geneviève compte autant de chrétiens que de musulmans. « Tout le monde participe aux prières. Et quand il y a des grandes fêtes musulmanes, on fait aussi quelque chose », témoigne la religieuse, qui ne cache pas que ses élèves musulmans grandissent dans des familles affiliées au Hezbollah.
Cette année, malgré le cessez-le-feu obtenu en novembre 2024, son école a dû fermer deux jours en raison de la menace et des bombardements. Mais la guerre pourrait reprendre car Israël exige que le Hezbollah soit démilitarisé. Pour beaucoup, la visite du pape Léon XIV au Liban protégeait le pays du Cèdre d’une rupture totale du cessez-le-feu. « Que va-t-il se passer après ? », s’interroge la sœur. « Il faudrait un miracle ! », assure-t-elle, ne voyant pas d’autres solutions immédiates.
Lundi soir, au siège du patriarcat maronite, près de 15.000 jeunes sont rassemblés pour prier et célébrer la venue du pape Léon XIV. L’ambiance a beau être exceptionnelle, elle n’efface pas la crainte d’un lendemain plus sombre. « On espère qu’après cette visite, on aura la paix avec Israël. C’est tout ce qu’on veut », insiste Augustin, 18 ans, venu de Jounieh, au nord de Beyrouth. « Je crois toutefois que les médias exagèrent la perspective d’un retour de la guerre. Moi, j’imagine qu’Israël enverra des missiles, comme avant, mais que tout le pays ne sera pas touché », veut croire le jeune homme.

Non loin de lui, Peter, 22 ans, est venu dans son uniforme de scout du Liban. Pour lui aussi, les combats qui pourraient reprendre ne concernent pas les chrétiens. « C’est une guerre contre le Hezbollah, pas contre nous », juge celui qui vient de terminer ses études en business international. Après le départ du pape pour Rome, Peter se laissera quelques années avant de savoir s’il quittera le Liban. « On le voit bien ce soir, si tous les jeunes partent, le Liban n’existe plus », pense-t-il.

Installée non loin de la scène qui accueille le pontife, sœur Claudine est émue de voir toute cette jeunesse vibrer. Depuis deux mois, elle s’investit dans l’organisation de cette soirée qui prend la forme de petites Journées mondiales de la jeunesse. Mais la religieuse antonienne ne cache pas sa crainte pour la suite. « Pourvu que les paroles du pape aient touché les consciences de nos politiciens », murmure-t-elle. La guerre ? « Oui, nous en avons peur. On prie Dieu… on prie Dieu, on fait tout ce qu’il faut ! Et puis, mercredi, on fera le point », sourit-elle, en évoquant le « jour d’après ».


