« Votre Sainteté,
C’est avec une immense joie que je vous accueille Très Saint-Père, messager de paix dans le pays de la paix.
Avec un grand honneur, et au nom du peuple libanais dans toute sa diversité, ses confessions et ses appartenances, je vous souhaite la bienvenue dans cette patrie, petite par sa superficie mais grande par son message: le Liban, terre qui a toujours uni la foi et la liberté, la différence et l’unité, la douleur et l’espérance.
Votre Sainteté, vous ne visitez pas un pays ordinaire mais un sol empreint d’histoire sacrée. Le Liban est mentionné à de nombreuses reprises dans les Écritures, comme un symbole de hauteur, de constance et de sainteté. Le Cantique des cantiques lui-même a choisi les montagnes du Liban et ses forêts comme images de beauté, de splendeur et de pureté. Ainsi, cette terre demeure le témoin de la grandeur de la création et fidèle à l’héritage sacré.
Avec une grande fierté et beaucoup d’humilité, j’accueille votre Sainteté sur la terre de la femme Cananéenne implorant la guérison de sa fille et à qui Jésus a dit: « Femme, ta foi est grande ; qu’il te soit fait comme tu veux. »
Notre peuple aujourd’hui, Saint Père, représente cette femme Cananéenne. Notre foi est ardente et nous espérons la guérison des âmes, des cœurs et des esprits de toute haine, guerre et destruction.
Bienvenue en cette terre protégée par la Sainte Vierge et consacrée à son nom, du Sud le plus lointain jusqu’au Nord le plus recule. Au centre, près de Sidon, se tient le sanctuaire de Notre Dame de Mantara, où la Vierge Marie attendit son fils Jésus. C’est ainsi que nous avons fait du jour de l’Annonciation une fête nationale pour toutes les communautés religieuses du Liban, un phénomène unique au monde. Bienvenue en cette terre où l’eau qui coule du fleuve Hasbani nourrit le Jourdain où fut baptisé le Christ.
Le Liban n’est pas une simple terre historique c’est le pays d’illustres saints, tel Saint Charbel dont vous allez visiter le sanctuaire sacré. Dieu l’a doté de grâces et de miracles qui se sont répandus au-delà des frontières du Liban, sans distinction de culte ou de religion, manifestant ainsi l’unité du peuple libanais et la profondeur de sa foi.
C’est ce Liban qui vous accueille aujourd’hui, Très Saint Père. Le Liban né de la liberté et pour la liberté. Non pour une religion, une confession ou une communauté, mais comme patrie de la liberté pour chaque être humain et de la dignité pour chaque être humain.
Un pays unique en son système, où vivent musulmans et chrétiens, différents certes, mais égaux. Un système Constitutionnel fondé sur l’égalité entre chrétiens et musulmans et sur l’ouverture à tout être humain et toute conscience libre. Telle est l’unicité du Liban et tel est son appel au monde entier.
Voilà pourquoi la sauvegarde du Liban, unique modèle de coexistence, est un devoir pour l’humanité. Car si ce modèle venait à disparaitre, nul autre lieu ne pourrait le remplacer.
Je réitère aujourd’hui depuis Beyrouth ce que j’avais dit devant l’Assemblée Générale à New York : « Si le chrétien disparait du Liban, c’est l’équation même qui s’effondre, ainsi que sa justice disparait. Si le musulman tombe, c’est l’équilibre qui se briserait ainsi que sa moderation.
Ainsi, la chute du Liban, précipitée par la perte de l’une de ses composantes intégrales, favoriserait de part et d’autre du globe, la montée de tous les extrémismes et de la violence physique, idéologique, et même sanglante.»
C’est une réalité dont le Saint-Siège a toujours été conscient, et c’est pour cela que Sa Sainteté Paul VI a très tot levé sa voix en défense de l’unité du Liban et de sa souveraineté.
De même que Saint Jean-Paul II a immortalisé le Liban dans la conscience collective mondiale par sa déclaration historique : « Le Liban est plus qu’un pays: c’est un message de liberté et de pluralisme, pour l’Orient comme pour l’Occident. » Il consacra ensuite un précédant ecclésiastique unique en dédiant un Synode général spécialement pour le Liban. C’est lui qui affirma, il y a 40 ans, que la présence d’un christianisme libre au Liban est la condition de sa durabilité et de sa pérennité dans toute la région.
Nous confirmons aujourd’hui que la survie de ce Liban, réuni dans son intégralité autour de Votre Sainteté, est la condition nécessaire de l’établissement de la paix, de l’espoir et de la réconciliation entre tous les fils d’Abraham.
De même, le Pape Benoit XVI, messager d’amour et de sagesse, affirma depuis Beyrouth que l’avenir de l’Orient ne peut se construire que dans le partenariat, la pluralité et le respect mutuel. Son initiative fut hautement significative et symbolique: il proclama l’Exhortation Apostolique pour le Moyen-Orient à partir du Liban.
Nous vous accueillons aujourd’hui, Très Saint-Père, quatrième successeur de Saint Pierre à fouler le sol de notre patrie par une initiative non-moins éloquente en message et en signification. Vous avez choisi le Liban comme première destination papale hors du Vatican et vous y êtes venu tout droit de Nicée, la terre du Credo qui célèbre son mille sept centième anniversaire, pour réaffirmer votre foi en nous et pour que nous renouvelions ensemble notre foi en l’être humain.
Vous êtes venu à la terre des églises que vous avez décrites comme martyres pour semer en nous l’espérance, afin que nous témoignons ensemble de la résurrection.
Vous êtes venus à nous, Saint-Père, afin que nous lisions sur votre visage lumineux les sublimes paroles de votre première Exhortation Apostolique : « Je t’ai aimé ». Pour dire que toucher les blessures d’un opprimé sur cette terre équivaut à toucher les blessures du Christ lui-même. Et sur notre terre aujourd’hui, comme sur celle de toute notre région, l’oppression est douloureuse et les souffrances innombrables. Leurs blessures attendent votre main bénie. Elles espèrent profondément entendre et faire entendre votre voix vaillante et courageuse.
Très Saint-Père, nous vous implorons de dire au monde entier que nous ne mourrons pas, nous ne partirons pas, nous ne désespérerons pas. Nous ne renoncerons jamais. Nous continuerons à respirer la liberté, à inventer la joie, à perfectionner l’amour, à apprécier l’innovation, à embrasser la modernité et à faire de chaque jour une vie meilleure.
Dites au monde que nous demeurons l’unique espace de rencontre, dans notre région – et si j’ose dire dans le monde entier – où une assemblée comme celle – ci peut se réunir autour du successeur de Saint Pierre, représentant ensemble tous les fils d’Abraham dans la diversité de leurs croyances et de leurs appartenances.
Ce que le Liban parvient a réunir, aucun lieu au monde ne peut le contenir.
Ce que le Liban sait unir, nulle force ne peut le diviser.
Cette équation est garante de l’existence du Liban en paix dans sa région et de la paix de cette région avec le monde.
Et d’ici à ce que les parties concernées nous entendent et s’en trouvent convaincues, nous ne craindrons rien Très Saint-Père. Par votre prière et vos bénédictions, par notre foi en notre droit et en notre patrie, nous demeurons ici, fils de l’espérance et de la résurrection. Nous restons ici: lumière de l’Orient, phare de sa route et sel de sa terre, messagers de paix et de bonté.
Car depuis le commencement jusqu’à la fin, nous sommes les disciples de Celui qui nous a appris à ne pas avoir peur et à placer notre confiance en Lui.
Car par sa paix et son amour, il a vaincu le monde.
Nous sommes les témoins et œuvrons pour qu’il en soit ainsi. »
Vive l’amour
Vive la paix
Vive Votre Sainteté
Vive le Liban


